Izeghem (she/her)

Née en 1979 à Paris, France

 

 

Izeghem est française aux origines et influences multiples : françaises, arabo-andalouses, et africaines. 

C’est en 1983 dans sa tendre enfance, passée entre la Belgique auprès de ses grands-parents maternels (originaires d’Afrique de l’Est) et la France où ses parents sont installés, qu’Izeghem commence à peindre. La même année, elle est diagnostiquée haut potentiel avec un syndrome d’Asperger léger. 

 

Son besoin de peindre naît de la nécessité impérieuse d’exprimer, non seulement cette tempête intérieure qu’elle sent dans ses entrailles, mais aussi ses peurs qui la hantent dans ses cauchemars récurrents aux couleurs mélangées de gris et de bleus qui se débattent dans une pénombre omniprésente. Alors qu’elle n’est qu’à l’école primaire, elle questionne le monde, comment celui-ci fonctionne et comment Dieu et l’Univers conspirent avec l’Homme pour produire tant d’inégalités, de misère, de guerres et d’injustice(s). Son style n’est pas figuratif, elle est en réalité incapable de peindre des visages ou des animaux sans travestir la réalité. Cela reste vrai à ce jour. Elle décide donc d’en faire une force et de s’abandonner au surréalisme. 

 

De l’aquarelle Izeghem passe très vite à un style abstrait à la gouache. 

« Le plaisir de peindre, volume 1 », 1986.  Gouache sur papier. Format 21 x 29 cm. Collection privée
« Le plaisir de peindre, volume 1 », 1986. Gouache sur papier. Format 21 x 29 cm. Collection privée

 

 

 

 

Petite, Izeghem se sent transportée par la peinture impressionniste. Le calme des « Nymphéas » de Monet ainsi que l’inquiétant « Impression soleil levant » marquent son âme. Les couleurs bleus et gris, les jeux d’ombres et de lumières, sont une constante source d’inspiration. Les arabesques, les tourbillons des ciels et des meules dans la peinture de Van Gogh provoquent chez Izeghem, et encore à ce jour, une fascination jusqu’à l’obsession.

Petit à petit, Izeghem commence à varier entre paysages peints d’après photos et peinture abstraite, au croisement du cubisme (Picasso) et de l’art naïf (Rousseau). Elle s’essaie alors à la photo et est fascinée par les formes géométriques tant dans la peinture que dans l’architecture. Dès 1988, elle entreprend alors de s’éduquer sur ces sujets. 

 

C’est en 1989, à l’âge de 10 ans, qu’elle décide de son nom d’artiste qui est une référence à une ville belge. Son style s’affirme un peu avant l’adolescence et elle trouve alors sa signature d’artiste. 

 

En 1994, elle fait un long voyage en Andalousie et découvre les secrets de l’architecture arabo-andalouse , en particulier le sens caché des arabesques et motifs répétitifs, sans début ni fin. Au lycée, elle prend des cours d’arabe classique avec pour seuls buts de pouvoir peindre des calligraphies arabes et de mieux comprendre le contexte culturel et linguistique de ces génies de l’architecture andalouse. Incidemment, pendant ses cours d’arabe, Izeghem découvre les œuvres du calligraphe irakien Hassan Massoudy dont elle s’inspire depuis maintenant une trentaine d’années. En parallèle, elle étudie les classiques de la littérature soufie arabe (Ibn Arabi) et persane (Rumi) qui sont des fondamentaux de sa tradition religieuse et qui continuent d’influencer son intention de peintre depuis son adolescence. 

 

Après le baccalauréat au milieu des années 1990, elle fait une année partielle aux Beaux-arts de Paris. C’est à cette période qu’elle étudie les travaux de Jean Nouvel (Tour Agbar) et de Ieoh Ming Pei (Pyramide du Louvre). La géométrie y est omniprésente. Elle découvre également Enki Bilal (Trilogie Nikopol) dont le monde dystopique lui rappelle celui de ses cauchemars répétitifs qu’elle fait depuis l’enfance.

 

Au printemps 1996, elle gagne un concours interne sur le thème « La répartition des richesses dans l’urbanisme » en imaginant une ville où les riches (centre-ville dans des bâtiments en verre, uniformes) et les pauvres (banlieues crasseuses en périphérie) ne se côtoient pas. L’influence de Bilal y est évidente. La vision d’Izeghem est avant-gardiste car elle crée alors un environnement urbain très proche de ce que la ville intelligente et futuriste « The Line » (Neom, Arabie saoudite) sera en 2030 et de nombreuses mégapoles contemporaines.

« Wealth Centric City », 1996. Encre de chine et collage de journal financier japonais sur papier. Série de 9 pièces, format 25 x 32 cm chacune. Collection privée.
« Wealth Centric City », 1996. Encre de chine et collage de journal financier japonais sur papier. Série de 9 pièces, format 25 x 32 cm chacune. Collection privée.

Elle ne finira jamais cette année aux Beaux-Arts car découragée par ses professeurs qui lui rappellent qu’elle est issue de l’immigration, sans pédigrée ni réseau dans le monde de l’art. Elle poursuit donc son chemin de vie, ses études et sa carrière à l’internationale, et continue de peindre malgré les vicissitudes de la vie. 

 

Izeghem a vécu de nombreux traumatismes qui nourrissent son art : des agressions sexuelles, la mort et l’enterrement de son premier enfant mort-né à terme (2010), plusieurs morts cliniques au cours des quinze dernières années en raison de graves problèmes de santé, une fausse couche très tardive (2019), un divorce long et douloureux, encore en cours après presque une décennie de séparation du père de ses enfants vivants. Par ailleurs, depuis l’adolescence, elle a toujours considéré son utérus comme un instrument de torture et de mort jusqu’à sa délivrance grâce à une hystérectomie salutaire début 2022. 

 

Son œuvre oscille entre ombre et lumière, entre cauchemars et rêves d’idéal. Ses cauchemars – récurrents, répétitifs depuis son enfance – sont faits de morts sanglantes, d’atmosphères inquiétantes comme celle du « Cri » munchien, de ténèbres l’avalant, de blessures causées par des monstres malveillants, et de voix donnant des instructions ambivalentes car se voulant rassurantes mais en réalité suffocantes de totalitarisme. Son idéal est un monde imaginaire où des licornes zébrées règnent, où des êtres extraordinaires et chimériques seraient au service du maintien de la Justice et de l’équilibre du monde, où la nature serait sublimée et auto-réparatrice sans qu’elle ait besoin de l’Homme comme jardinier bienveillant mais défaillant. Son idéal est de pouvoir trouver la sérénité dans cette vie terrestre, d’apprécier la douceur du temps qui passe, et enfin d’arrêter de rechercher la mort avec tant d’assiduité et d’impatience pour n’être que Lumière et enfin retrouver ses deux enfants disparus.

 

Aujourd’hui, Izeghem trouve refuge et apaisement dans la peinture, la pratique des arts martiaux et la méditation quotidienne. Elle peint majoritairement à l’acrylique, en alternant peinture mate et brillante, lisse et texturée, sur papier ou toiles, au pinceau, couteau ou aux doigts tout simplement. 

 

Pour Izeghem, peindre c’est continuer d’exister, c’est son instinct de survie qui l’y pousse, ce qui lui permet de ne pas sombrer dans la folie, voire de se suicider. Elle libère ses angoisses viscérales et existentielles sous forme abstraite, parfois calligraphiée et toujours obsessionnelle. Quand elle peint ses ténèbres et exprime sa douleur, Izeghem peint rapidement puis scarifie ses œuvres, très lentement comme un supplice. Les cicatrices suintantes sont omniprésentes et représentent ses cicatrices physiques et intérieures, de son âme et cœur qui saignent. Sa douleur est alors emprisonnée dans la toile. 

« Pure Ba », 2014. Acrylique sur papier canvas. Format 24 x 32 cm. (ndlr : le « ba » est la première lettre du Coran et la deuxième lettre de l’alphabet arabe)
« Pure Ba », 2014. Acrylique sur papier canvas. Format 24 x 32 cm. (ndlr : le « ba » est la première lettre du Coran et la deuxième lettre de l’alphabet arabe)
« My Ba », 2014. Acrylique sur papier canvas. Format 24 x 32 cm.
« My Ba », 2014. Acrylique sur papier canvas. Format 24 x 32 cm.

                                                                                       Détails, « Mirror », 2022.  Acrylique et gouache sur carton entoilé.  Format 60 x 80 cm.
Détails, « Mirror », 2022. Acrylique et gouache sur carton entoilé. Format 60 x 80 cm.
« My Normal », 2022.  Acrylique et gouache sur toile. Format 60 x 80 cm.
« My Normal », 2022. Acrylique et gouache sur toile. Format 60 x 80 cm.

Elle peint également son monde idéal, d’après souvenirs ou photographies. Elle exprime les couleurs chatoyantes, chaudes et rassurantes de « son Afrique » comme elle aime à le dire. Elle peint une nature abstraite et surréaliste, aux couleurs vives, généralement sur fond bleu, couche après couche. Les perspectives qui donnent une profondeur à ses interprétations évoquent la mélancolie liée à son désir inassouvi d’adolescente de devenir architecte. Inspirée par les copieurs égyptiens et tunisiens de l’époque fatimide (du Xe au XIIe siècle), depuis une dizaine d’années, elle est à la recherche de son bleu en mélangeant des gels brillants, différents pigments voire de la poudre de fusain à la peinture acrylique.

« Jinja, Uganda », 2007. Gouache sur papier. Format 24 x 32 cm.
« Jinja, Uganda », 2007. Gouache sur papier. Format 24 x 32 cm.
« Jacarandas. Pretoria, South Africa », 2008. Acrylique et gouache sur toile.  Format 45 x 61 cm. Collection privée.
« Jacarandas. Pretoria, South Africa », 2008. Acrylique et gouache sur toile. Format 45 x 61 cm. Collection privée.

« La route du Tempoketsa. Madagascar », 2008. Acrylique et gouache sur toile.  Format 30 x 122 cm. Collection privée.
« La route du Tempoketsa. Madagascar », 2008. Acrylique et gouache sur toile. Format 30 x 122 cm. Collection privée.

Enfin, Izeghem a choisi de rester anonyme. Elle est en effet une figure visible et reconnue internationalement dans son domaine de compétences. Elle ne souhaite pas que son identité artistique interfère ni avec sa vie professionnelle, ni avec sa vie privée.